Dessapt Annie |
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Adresse : |
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USA |
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Colonie |
de 1954 à 1957 |
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Mars 2005
Comme je suis contente de pouvoir revoir "mon château de la Bouchatte". Ça fait presque 55 ans ! Je suis profondément touchée par ce site qui vient remuer ma mémoire. La Bouchatte, c'est mes colonies de vacances passées à marcher avec des "patins" dans les dortoirs. C'est "passer au peigne fin" chaque soir... La Bouchatte c'est recevoir des bonbons juste avant de dormir et regarder au lointain par les fenêtres des tours pour rêver. La Bouchatte, c'est chanter devant le directeur, jouer sous les arbres, marcher des heures et attendre la visite des parents. La Bouchatte, c'est un moment de jeunesse.
C’était le cœur serré que je quittais Montluçon pour la Bouchatte. Et pourtant je savais ce que j’y gagnais : l’air frais de la campagne, la vie de châtelaine (!), et la joie d’être en vacances. Il n’empêche que la Bouchatte avait ses propres lois auxquelles il fallait se plier pour survivre.
On se couchait comme des poules, tôt, bien trop tôt. Mais une fois que le directeur avait fini son inspection, nos vêtements étaient bien pliés, nous nous étions bien brossé les dents, commençait la fête ou le cauchemar d’une nuit de peur à se raconter des histoires de vols d’enfants à ne pas en tenir debout ! Le directeur jetait des bonbons sur nos lits, acquiesçant de notre bonne conduite en nous récompensant. Ah ! Les dentistes le remercient encore aujourd’hui ! Mais je revois le ciel bleu, l’infini du paysage et le silence des alentours.
Avec émotion, je regarde les tours où je glissais si agilement avec ces “sacré” patins, ces espèces de morceaux de feutre qui servaient à protéger les parquets impeccablement propres. Chaussures interdites. Je cherche maintenant dans ce lieu des traces de mon séjour si court.
Je me revois la tête penchée sur un évier où deux infirmières nous passaient au peigne fin. Car si on chantait à pleins poumons : “dans la troupe, il y a pas de jambes de bois, il y a des nouilles, mais ça ne se voit pas”….elles, elles cherchaient les “pouilleux” dans la troupe. En ce temps là, on ne savait pas vraiment pourquoi on nous écorchait la tête à en pleurer.
J’ai appris la frousse, cette peur incontrôlable quand la “monitor” m’a fait chanter seule devant toute la colonie. Les mots de cette chanson sont incrustés dans ma cervelle comme dans du marbre: ”On dit partout que tu n’es pas sincère, que tu as volé le cœur d’un officier, ……j’avais 8 ans !
Et vous, mes parents, qui nous envoyaient à La Bouchatte pour notre bien, je vous en remercie. Mais quand vous n’êtes pas venus ce jour si attendu de la visite des parents, je me suis sentie abandonnée. Je regarde maintenant cet escalier qui m’impressionnait, et je ressens vivement cette attente. J’aurais aimé vous raconter des histoires et des méthodes médicales que vous ne pouviez pas connaître et qui sauvaient des vies comme par exemple pisser sur un mouchoir quand on était piqué par une abeille. J’aurais tant aimé aller au restaurant ou pique-niquer, surtout partir de là. Cette année, nous sommes restées ma soeur et moi, un mois de plus. Nous apprendrons bien plus tard que notre plus jeune soeur avait eu un accident grave. C’était le 12 Juin 1954.
Comme je suis contente de pouvoir revoir "mon château de la Bouchatte". Ça fait presque 55 ans ! Je suis profondément touchée par ce site qui vient remuer ma mémoire. La Bouchatte, c'est mes colonies de vacances passées à marcher avec des "patins" dans les dortoirs. C'est "passer au peigne fin" chaque soir... La Bouchatte c'est recevoir des bonbons juste avant de dormir et regarder au lointain par les fenêtres des tours pour rêver. La Bouchatte, c'est chanter devant le directeur, jouer sous les arbres, marcher des heures et attendre la visite des parents. La Bouchatte, c'est un moment de jeunesse.
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C’était le cœur serré que je quittais Montluçon pour la Bouchatte. Et pourtant je savais ce que j’y gagnais : l’air frais de la campagne, la vie de châtelaine (!), et la joie d’être en vacances. Il n’empêche que la Bouchatte avait ses propres lois auxquelles il fallait se plier pour survivre.
On se couchait comme des poules, tôt, bien trop tôt. Mais une fois que le directeur avait fini son inspection, nos vêtements étaient bien pliés, nous nous étions bien brossé les dents, commençait la fête ou le cauchemar d’une nuit de peur à se raconter des histoires de vols d’enfants à ne pas en tenir debout ! Le directeur jetait des bonbons sur nos lits, acquiesçant de notre bonne conduite en nous récompensant. Ah ! Les dentistes le remercient encore aujourd’hui ! Mais je revois le ciel bleu, l’infini du paysage et le silence des alentours.
Avec émotion, je regarde les tours où je glissais si agilement avec ces “sacré” patins, ces espèces de morceaux de feutre qui servaient à protéger les parquets impeccablement propres. Chaussures interdites. Je cherche maintenant dans ce lieu des traces de mon séjour si court.
Je me revois la tête penchée sur un évier où deux infirmières nous passaient au peigne fin. Car si on chantait à pleins poumons : “dans la troupe, il y a pas de jambes de bois, il y a des nouilles, mais ça ne se voit pas”….elles, elles cherchaient les “pouilleux” dans la troupe. En ce temps là, on ne savait pas vraiment pourquoi on nous écorchait la tête à en pleurer.
J’ai appris la frousse, cette peur incontrôlable quand la “monitor” m’a fait chanter seule devant toute la colonie. Les mots de cette chanson sont incrustés dans ma cervelle comme dans du marbre: ”On dit partout que tu n’es pas sincère, que tu as volé le cœur d’un officier, ……j’avais 8 ans !
Et vous, mes parents, qui nous envoyaient à La Bouchatte pour notre bien, je vous en remercie. Mais quand vous n’êtes pas venus ce jour si attendu de la visite des parents, je me suis sentie abandonnée. Je regarde maintenant cet escalier qui m’impressionnait, et je ressens vivement cette attente. J’aurais aimé vous raconter des histoires et des méthodes médicales que vous ne pouviez pas connaître et qui sauvaient des vies comme par exemple pisser sur un mouchoir quand on était piqué par une abeille. J’aurais tant aimé aller au restaurant ou pique-niquer, surtout partir de là. Cette année, nous sommes restées ma soeur et moi, un mois de plus. Nous apprendrons bien plus tard que notre plus jeune soeur avait eu un accident grave. C’était le 12 Juin 1954.