Jean-Claude Fournier








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Élève et Colonie
de 1950 à 1966

 

05-01-2017

J'ai séjourné à La Bouchatte en été 1950 ou 1951 je crois, en tant que colon.

Ensuite, j'y suis retourné en tant qu'instituteur à la fin de mon service militaire de mars 1966 à Juillet 1966. J'avais la classe de CM1/CM2 et fin d'études en remplacement de l'enseignant titulaire de la classe et qui était en congé de maladie je pense. J'ai présenté 3 élèves au certificat de fin d'études et je crois me souvenir que deux d'entre-eux ont obtenu leur diplôme.
Ensuite, et dans la foulée en quelque sorte, presque sans transition, j'y ai travaillé comme moniteur dès la fin de l'année scolaire et jusqu'à mi août. Je me souviens que je devais prendre un poste d'assistant français à Londres en septembre et que c'était l'année où la coupe du monde de football était organisée en Angleterre et où les Anglais ont gagné la compétition. Avec mon équipe de grands, nous avons regardé la finale en dérogeant un peu à la règle régissant les horaires de coucher.
J'ai de bons souvenirs de mon passage à la Bouchatte que ce soit en tant que colon avec les souvenirs de promenade dans la campagne environnante, en tant qu'instituteur avec des élèves globalement agréables malgré leur placement en internat et leur séparation d'avec leur famille, que ce soit également en tant que moniteur, avec mr Emery qui dirigeait la colonie et Christian Fournil, qui était responsable de l'internat à cette époque, à la fois pendant l'année scolaire et pendant que l'établissement se transformait en centre de vacances pour la période estivale.
Mais le mieux est peut-être que je cite quelques extraits de mon dernier roman, qui doit sortir en avril prochain, texte dans lequel il est question du temps que j'ai passé dans cette retraite paisible, non loin de Montluçon, avant de franchir la Manche où j'ai vécu, 2 ans après, les événements de mai 68 depuis Londres :

"La fin de l’année scolaire arriva. Pour gagner un peu d’argent avant le grand saut dans le vide attendu et redouté tout à la fois, il avait décidé de continuer à encadrer des enfants à l’endroit où il avait fait la classe jusque-là. Mais il y officierait comme simple moniteur cette fois-ci. Il passa là le premier mois de l’été 66, à organiser des activités ludiques dans le parc où il avait conduit ses leçons d’éducation physique avec sa classe les mois précédents. Pendant les jeux de piste avec ses petits colons, il parcourut une campagne peu explorée en compagnie de ses élèves en cette fin d’année scolaire, C’était la portion d’un territoire qui n’a été décrit par aucun écrivain et n’existe donc que dans le cœur et l’esprit de ceux qui y ont vécu ou bien ont eu le bonheur de le découvrir en profondeur durant leur vie. Il n’a d’existence propre ni dans les manuels de géographie, ni dans les guides touristiques. Il se situe dans un polygone dont les sommets seraient des bourgs que seul le Cendré pouvait nommer, en fonction de ses propres souvenirs. Il lui arrivait parfois de réciter une sorte de prière intime, connue de lui seul. Une supplique plutôt, faite de la récitation monocorde de toponymes indiqués par une carte d’état-major. Un rappel d’itinéraires compliqués, effectués dans la bétaillère de son père boucher, à la recherche de bestiaux à euthanasier. Des allées et venues incessantes, aux confins du Cher, de la Creuse, de l’Indre et de l’Allier. Des zigs et des zags au creux de hameaux et lieux-dits redécouverts par ses incantations. Des virées avinées, en bande, dans des bourgs au sujet desquels on plaisantait : Culan, Crevant, Givarlais, Treignat, D’autres bordées en direction de villages où domine la pierre rose du coin  : Reugny, Saint- Désiré, Sans oublier La Chapelaude, dont la simple scansion fait penser à un chapelet dont on égrène les perles pour mieux se souvenir des étapes d’un pèlerinage.. Cette sorte de transe mémorielle l’aidait à se souvenir de chacun de ces endroits où il avait vécu des moments privilégiés de son enfance et de son adolescence. Bien qu’il eût également sillonné ce fief dont il se disait le hobereau en allant au bal avec sa bande de bras cassés, il avait presque oublié ces paysages familiers. Mais la marche à pied permettait un contact plus intime avec l’âme de ce petit pays sans prétention, un pays de bocage et de bouchures, auquel George Sand avait su rendre admirablement justice dans Les maîtres sonneurs.  Alors qu’il marchait le long des chemins avec sa petite escouade, des passages du roman lui revenaient en mémoire.  Huriel, le personnage principal de ce conte champêtre, qui parvient à séduire une Berrichonne grâce à ses talents de joueur de biniou, porte précisément le nom de l’une de ces petites communes invoquées par notre chamane bourbonnais. Il n’en fallait pas plus pour que notre futur candidat à l’exil Outre-manche s’identifie à ce charbonnier de la forêt de Tronçais. Ce dernier, en effet, emprunte un itinéraire proche de la Vallée Noire de la dame de Nohant, qui se confond parfois avec celui arpenté par le moniteur de centre de vacance lors de promenades hors des murs avec ses petits colons."