L'histoire du

Château de BRIGNAT
« Centre de jeunesse et de Plein Air »
par

Marcelle CHARLEMAGNE
une artiste Bouchattaise.





Mon intérêt pour Brignat est fortuit et remonte à quelques années.

L’initiative en revient à Jean-Claude NERAT. Ce garçon, qui se trouve être mon neveu, est à l’époque agent municipal de la ville de Montluçon. Il occupe depuis peu, les fonctions de ce qu’il est convenu d’appeler régisseur sur le domaine de Brignat, situé sur la commune de Domérat. D’emblée, il se prend à aimer ce lieu et les fonctions qu’il exerce. Très tôt, il me contacte pour me demander s’il serait possible de connaître le passé du domaine, peut-être l’identité des anciens possesseurs et, faire le lieu jusqu’à l’acquisition de Brignat par la ville de Montluçon. S’agissant de biens privés, je sais que les documents sont rares, les archives suivent généralement le sort de leurs propriétaires et la trace s’en perd. Pourtant, cette curiosité de Jean-Claude qui allait bien au-delà de la conscience professionnelle, me décide. Elargies vers des fonds divers et des documents plus généraux, les recherches furent plus longues. Nous avions  néanmoins réussi à remonter la liste des différents possesseurs de Brignat jusqu’à son rachat par la ville de Montluçon. C’est alors que Jean-Claude, soucieux de parfaire sa connaissance sur Brignat, m’avise que nous allons rencontrer une personne possédant des informations sur le rôle joué par Brignat durant la dernière guerre. Avant de clore mes recherches, nous attendons cette rencontre, je ne prends même pas l’identité de cet informateur.
La disparition brutale de mon neveu mit un point final à ce projet. La rédaction initiale de l’article resta dans mes dossiers.
Mon adhésion à l’Amicale des Anciens « Bouchattais » me remit en mémoire cette recherche sur Brignat. Ces deux établissements destinés aux enfants ont quelques points communs et, tout d’abord, leur appellation respective, du moins à l’origine, pour ce qui concerne la Bouchatte : « Colonie de vacances et Ecole de plein Air » et : « Centre de jeunesse et de Plein Air » pour Brignat. Pourquoi ne pas faire connaître l’histoire, même partielle, sur le passé du domaine de Brignat dans le bulletin annuel diffusé par l’Amicale de la Bouchatte. L’absence d’informations sur le sujet,  me parut être l’occasion de reconnaître l’intérêt de cette recherche initiée par Jean-Claude. Avec l’assentiment de celle qui partageait sa vie et un remaniement du texte imposé par les circonstances, voici donc le résultat de notre recherche. Pour les personnes curieuses du passé de leur région, ce texte, non exhaustif, lève un coin du voile déposé par le temps sur Brignat.

Si l’on interroge les Montluçonnais, rares sont ceux auxquels le nom de Brignat ne signifie rien. Etroitement mêlé à la vie scolaire et extra-scolaire de leurs enfants, les habitants considèrent ce lieu comme faisant partie intégrante de leur ville. Pourtant, Brignat n’est pas situé sur le territoire de la ville de Montluçon mais sur celui, tout proche, de Domérat. Cette petite enclave est devenue Montluçonnaise par les acquisitions successives qu’en a fait la municipalité de Montluçon de 1959 à 1962.
Les premiers possesseurs de Brignat viennent de la bourgeoisie montluçonnaise. Chacun sait que la particule n’a jamais prouvé la noblesse, mais le nom tiré d’une terre est logiquement précédé du de. Selon les copistes, Brignat est écrit avec ou sans la particule, ce qui ne semble pas avoir troublé les membres de cette famille qui n’a d’ailleurs jamais revendiqué un droit quelconque à la noblesse. Au fil des alliances, le patronyme du nouveau possesseur est en général suivi du nom de la terre.
Le premier Brignat connu serait Thomas qui aurait été consul de Montluçon, lors de l’affranchissement de la ville en 1242. Ce que nous pouvons attester, c’est qu’au XVème siècle, plusieurs Brignat sont cités au « terrier des cens, rentes, droictz et debvoirs annuelz deubz à monseigneur le duc de Bourbonnoys et d’Auvergne en la ville et franchize de Montluçon, comme détempteurs de biens censiers ».Le plus souvent cité, Jehan BRIGNAT, reconnait devoir 4 sols 6 deniers et 1 sol 13 deniers pour deux maisons situées faubourg Saint-Pierre en indivision avec ses sœurs.

Jehan Brignat paroissien de Sainct Pierre de Montluçon pour luy comme détempteur d’une maison assize et située au bout du pont de la Pierre de Montluçon par-delà la Rivière de Chier aveq ses aisances et apartenances


Jehan Brignat paroisien Sainct Pierre de Montluçon Ysabeau Brignatte Guillemette Brignatte


Il était courant, autrefois, particulièrement dans les campagnes de féminiser le patronyme lorsqu’il désignait une femme oralement et graphiquement.
D’autres cens sont également reconnus pour des terres et des vignes.
Cette famille semble vivre confortablement et participe activement à la vie de la cité. On en trouve aussi bien, laboureurs, tailleurs d’habits, marchands, que pourvus d’une charge d’office ou encore gens d’église.
C’est Marie de Brignat, fille de Pierre et Marie Mercier qui apporte Brignat dans la famille de CULANT, par son mariage avec François né à Montluçon en 1616.
Brignat passe ensuite dans la famille BERTHET, bourgeois de Montluçon. Ils sont avocats, notaires, chirurgiens ou gens d’église. Il ne nous a pas été possible de trouver l’alliance qui décida de ce passage aux Berthet. Maurice des Gozis, auteur de la collection généalogique déposée aux archives départementales, l’attribue au mariage de Bénigne de Culant avec Nicolas Berthet, mais cette affirmation nous paraît totalement impossible. Il ne l’appuie d’ailleurs aucunement et ne cite aucune date concernant ce mariage, ni d’indication sur les enfants qu’elle aurait eu selon lui. Qu’on en juge. Nicolas Berthet, né en 1642, épouse en 1668 Gabrielle GRANGEIX, décédée en 1672 après lui avoir donné un fils. Il se remarie en février 1673 avec Marie MANCEAU, de laquelle il aura huit enfants. Celle-ci décède à son tour en 1705, lui-même meurt en 1704. Nous avons vainement recherché un troisième mariage de Nicolas Berthet avec Bénigne de Culant dans les quelques années précédant le décès de Nicolas, en excluant derechef, l’éventualité d’un premier mariage avec Bénigne. Celle-ci vit encore en 1694, Nicolas n’aurait donc pas pu épouser les deux autres dont les actes prouvent l’authenticité. Nous n’avons pas poussée plus loin la recherche.


Le fils du précédent, autre Nicolas Berthet, laisse Brignat à sa veuve Claire CORNEREAU à son décès, survenu en 1712. Cette dernière, sans héritier, lègue Brignat à sa nièce Anne Cornereau. S’achève ainsi la transmission en ligne directe du domaine de Brignat.
Le 3 Juin 1773, par devant Maître Béraud, notaire à Moulins et autorisée de son mari, Pierre ESTOPY des Vignets, procureur au Présidial de Moulins, Anne Cornereau vend le domaine de Brignat à Jean-Baptiste GUILHOMET pour la somme de 20 000 livres. Cette vente comprend « le lieu, le domaine, vignobles et réserves de Brignat avec les bestiaux en dépendant situé paroisse de Domérat consistant en maison de maître, maisons de métayers et vignerons, bâtiments, granges, cuvage, estableries, écuries, jardins, près, vignes, terres labourables et non labourables, bois, buissons, pacages, communaux, aisances, appartenances, circonstances et dépendances que le tout se limitent et comportent et s’étend de toutes pars ». L’acte stipule que « les acquéreurs seront tenus de payer le montant du prix fait à un maçon pour les réparations qui doivent actuellement se faire aux biens sus-vendus ».

Etablie à Chantelle au XVIème siècle, cette famille Guilhomet se divise par la suite en plusieurs branches dont l’une s’implante dans la région montluçonnaise, à peu près à l’époque de l’acquisition de Brignat. Elle commence ainsi une grosse fortune territoriale continuée par ses descendants.
Certains s’impliquent dans la vie publique. François Guilhomet né en 1752, comparait le 14 Mars 1789 à l’Assemblée des Trois Ordres du ressort de la Sénéchaussée de Bourbonnais en tant que député pour le Tiers-Etat. Jean-François Guilhomet devient officier municipal à St-Victor en 1796 et Arnaud Jean-Louis Guilhomet maire de Lignerolles en 1827.
C’est le fils de ce dernier, Léonce Jean-Baptiste Guilhomet qui entreprend la construction du château. La disparition de l’ancienne maison de maître qui exigeait des réparations, lors de la vente en 1773, doit se situer à ce moment-là pour permettre l’édification de la maison actuelle. On sait, en effet, que les Guilhomet avaient leur résidence régulière à Brignat avant la nouvelle construction. A la suite d’arrangements familiaux, c’est Marie Guilhomet qui devient dame de Brignat. Elle est l’épouse du Comte Arsène d’HORRER, dont le père, officier de la Garde Royale sous la Restauration, passé au service du roi de Naples en 1829, a perdu sa qualité de français à la Révolution de 1830. Son fils, le Comte Arsène d’Horrer, passé par l’Ecole Militaire et contraint de demeurer au service de l’Italie, démissionne en 1890. Il sollicite et obtient la naturalisation française. Il revient alors se fixer à Brignat que sa femme lui a apporté à son mariage. Le Comte et la Comtesse d’Horrer se retirent à Bordeaux, le Comte meurt en 1923, sa veuve Marie Guilhomet vend aux époux Gellerat la propriété de Brignat.
C’est alors que la ville de Montluçon, sous l’impulsion de son maire Jean NEGRE, désireux de fonder un Centre de jeunesse et de plein air pour les petits montluçonnais, décide l’acquisition du château de Brignat et d’une partie des terres du domaine. Après accord passé avec les consorts GELLERAT-GREUZAT et, selon trois ventes successives respectivement passées les 16 décembre 1959, 18 et 28 juillet 1961 et 24 février et 12 mars 1962, la ville de Montluçon devient propriétaire du château, parc et terrains environnants, au total une superficie de 30 338m2.


Première réalisation du genre à être entreprise en France sans aucune subvention, Brignat est une réussite totale. La concertation  se fait à tous les niveaux entre les différents acteurs qui œuvrent pour le bon fonctionnement de l’établissement. Ouvert toute l’année, ce centre accueille les enfants en classes vertes pour des séjours de trois semaines chacun. Pendant les vacances scolaires, Brignat fonctionne les mercredis et durant les mois de Juillet et Août.
Dans ce lieu privilégié, tout contribue à rendre le séjour des enfants le plus agréable possible. En dehors des heures de classe et des repas pris au château et servis par la cuisine centrale, leur temps est occupé par l’exploration du parc, la station météo, selon le temps et la saison le jardinage dans un coin à eux réservé, les jeux, le sport ainsi que quelques visites extérieures programmées durant le séjour. Parmi toutes ces activités, le coup de cœur des enfants allaient à la ferme pédagogique de Brignat. Celle-ci abritait des animaux domestiques que certains enfants n’avaient jamais eu l’occasion de voir de près. Autorisés à les nourrir et à leur attribuer un nom, les animaux étaient entourés de leurs soins affectueux. La ferme pédagogique n’existe plus mais je veux croire que certains de ces enfants, devenus adultes, se souviennent encore de la chèvre Caramel, des moutons Belda et Noël, des oies Fanfan et Sidonie, du lapin Jojo, sans oublier le canard Daisy et tous les autres…
Jean NEGRE est décédé en 1972. Il était fier de Brignat à juste titre et s’offrait volontiers à le faire visiter aux personnalités qu’il recevait. Après avoir, à l’unanimité des membres du conseil municipal décidé de donner le nom de Jean NEGRE, son fondateur, au Centre de Brignat, une plaque est inaugurée le 5 mai 1973 par Maurice BRUN, député maire de Montluçon. Ce dernier, ainsi que tous ceux qui lui ont succédé et ont continué l’œuvre de Jean NEGRE peuvent se féliciter de cette réussite exemplaire qu’est Brignat.
Pour ma part, j’ai pris plaisir à cheminer un instant à la rencontre des premiers possesseurs de Brignat. Il est temps pour moi, en lui adressant un clin d’œil affectueux, de remercier Jean-Claude NERAT de m’avoir associée à sa quête de l’histoire ancienne de Brignat. Si nous en savons un peu plus aujourd’hui, c’est à lui que nous le devons.
Les enfants passés par Brignat auront un jour à cœur d’en écrire la suite, à l’exemple des anciens élèves de la Bouchatte, mais ceci est une autre histoire.

Marcelle CHARLEMAGNE

NOTES TIRONIENNES
Sans vouloir vous infliger un cours de paléographie, mais pour éclairer la graphie du 1er texte original en particulier le mot apartenances, il faut savoir que l’Antiquité s’était dotée d’une écriture codée : certains compilateurs dont TIRON l’esclave de Cicéron avait constitué un dictionnaire de près de 13 000 notes. Très employées au Moyen-Age, tombées en désuétude dès le début du XIème siècle et redécouvertes au XIVème siècle, ces notes se rencontrent jusque vers le XVIème. Seules quelques-unes subsistent de manière très communes, notamment le & de Poste &Télécom. Cette note tironienne exprime aussi bien : par ou per, c’est une abréviation, ici le copiste sans lever la main depuis le et, remonte, attaque le a d’apartenances puis le p ap, il plonge ensuite sous la ligne, trace la haste du p, remonte ensuite et barre le p de gauche à droite puis toujours sans lever la main, il remonte pour tracer le t et terminer le mot. Ce p est dit barré droit. Les généalogistes le connaissent bien.

Les sources :
Archives Municipale de Domérat
Archives Municipale de Montluçon
Archives Départementale de l'Allier