Gérard TOURATON

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Adieu monsieur le professeur
On ne vous oubliera jamais
Et tout au fond de notre cœur
Ces mots sont écrits à la craie
Nous vous offrons ces quelques fleurs
Pour dire combien on vous aimait
On ne vous oubliera jamais
Adieu monsieur le professeur.


Hugues Aufray

    Gérard Touraton est né le 11 mars 1936 à Montluçon, d'un père boucher et d'une mère serveuse dans une charcuterie de la Ville-Gozet. Il suit sa scolarité à l'école Voltaire et au lycée Jules Ferry de Montluçon. Puis il poursuit ses études à Paris pour des études de journalisme.

    Par nostalgie de sa ville natale et pour une fille rencontrée quelques temps auparavant, il revient à Montluçon et débute une formation de professeur des écoles. Il épouse Monique Delage en 1958.

    Plus tard, le jeune couple fut nommé aux postes d'instituteurs à l'école de Chazemais, qu'ils exerceront douze ans. Durant cette période, naissent leurs deux filles, Catherine et Brigitte.

    En juillet 1968, ils font une première approche avec La Bouchatte en intégrant l'équipe de moniteurs de colonie. En 1970, ils acceptèrent tous deux, la direction de l'école de plein-air de La Bouchatte. Leur seule volonté était de réussir la tâche qui leur avait été proposée : éduquer ou rééduquer des enfants dits « cas sociaux ». Monique faisait la classe aux petits et Gérard aux grands.

    Beaucoup d’enfants étaient issus de familles mono-parentales (parents divorcés, ou décédés, mères célibataires…), connaissant d’énormes difficultés pour leur offrir un minimum d’éducation, de socialisation dont eux-mêmes avaient été privés le plus souvent. Pour certains, ces moments ont été vécus comme un déchirement. 

    Le couple s’est particulièrement investi pour faire évoluer la vocation de La Bouchatte en établissement à caractère sociale alors qu'à l'origine il était médical comme son titre d’Aérium École de Plein Air l’indiquait. Il leur a fallu en même temps faire progresser la pédagogie appliquée, recruter des personnels nouveaux, éducateurs spécialisés et modifier l’administration de l’établissement pour arriver à son autonomie, tout en restant propriété de la ville de Montluçon.

    Gérard et Monique avaient sous leur direction du personnel tel que les lingères, les cantinières, les jardiniers, le cuisinier, le personnel d’entretien et de service, la surveillante de nuit, l’infirmière, la psychologue… Les autres membres de leur équipe, enseignants, employés de bureau ou administrateurs et les éducateurs étaient au service des jeunes qui leur étaient confiés.

    Rapidement, toute cette équipe a mis en place de nouvelles activités comme le jardinage, l’élevage (volailles, lapins, pigeons, moutons, chèvres…), la pèche à la ligne dans la mare ou les étangs des environs. Des ateliers virent le jour : musique, photographie, montage vidéo (super 8), danses populaires, peinture, poterie, cuisine, couture et art plastique…
Ce lieu se prêtait bien évidemment aux activités sportives. On pouvait pratiquer à La Bouchatte : ping-pong, pétanque, basket-ball, volley-ball, football, rugby, tennis, arts martiaux, gymnastique, Athlétisme…

    Les enfants s'initiaient au vélo en donnant leurs premiers coups de pédales autour du château. Il y eut même l'organisation d'un concours hippique. Régulièrement, les enfants allaient en balade sur les chemins de Chazemais avec éducateurs et enseignants pour étudier la faune et la flore.

    Les jeux d’eau ne manquaient pas non plus, car dans le parc de 15 hectares, il y avait une piscine. Les enfants participaient à d’autres activités sportives à l’extérieur telles que les sports aquatiques et les challenges entre d’autres écoles ou clubs sportifs environnants.

    Monique et Gérard organisèrent des classes de neige et des classes de mer, des visites de châteaux et de musés, des découvertes de parcs animaliers, une croisière sur un bateau mouche. Puis ils mirent en place des enquêtes auprès des villageois sur l'histoire de leur village ou celle de notre château, des visites de fermes environnantes, vendanges, cueillette de pommes et transformation en jus, directement dans l’exploitation d’Aude.

    Pour que le programme scolaire soit au plus près des petits écoliers, ils ont ouvert deux classes supplémentaires. L’enseignement était le même que dans n’importe quelle école de l’académie de Clermont-Ferrand. Il n’était pas rare de sortir les tables et d’étudier sous les marronniers. La classe de Gérard éditait un journal « Nouvelles de La Bouchatte » avec du matériel d’imprimerie. Celle de Monique avait fait la généalogie de la famille d’Auvergne et de leurs descendances (constructeur du Château de La Bouchatte).

    Il y avait les longues préparations des kermesses ou de  spectacles de Noël : confection des costumes, des décors, répétitions des chants et des pièces de théâtre... Le dimanche était vite là ! Gérard montait sur le podium présenter pièces et danses. C'était jour de fête ! Souvent pour Noël, Gérard endossait le costume du Père-Noël pour remettre à chaque enfant un cadeau.

    Une partie des activités était financée par la coopérative scolaire que Gérard avait également mise en place. Les enfants (les plus grands) posaient leur candidature pour siéger au bureau. Président, secrétaire et trésorier, assistaient aux réunions et donnaient leur avis sur l’utilisation de l'argent récolté lors des kermesses (le petit journal, la boutique, les produit de la ferme, etc.).

    Bref, c'était une vraie entreprise, une entreprise au service des enfants. Monique et Gérard Touraton se sont dévoués et ont tout donné pendant 23 années. Au détriment de leur vie de famille et de temps passé en moins auprès de leurs deux filles, d'Éric et Marianne leurs petits-enfants. Le couple vivait 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 au château. Ils pouvaient être sollicités même pendant leurs congés. Pour les vacances d'été, Gérard posait le tablier de directeur d'école pour enfiler celui de directeur de colo.

    Leur investissement allait bien au-delà de leur fonction. Par exemple, dans les moments d’urgences, ils n’hésitaient pas à conduire un enfant chez le médecin ou à l’hôpital si c’était nécessaire. Pour que certains puissent retrouver leur famille un week-end, ils faisaient le taxi pour les conduire à la gare ou à leur domicile. Ils pouvaient accueillir chez eux à Montluçon des enfants qui se retrouvaient seuls, pour passer les fêtes de Noël. Et au pied du sapin, il y avait des cadeaux pour leurs filles et également pour les petits « Bouchattais ».

    Voilà ce qu’était en parti, le travail du directeur de la Bouchatte. Mais en dehors de la fonction de pédagogue, il y avait aussi tout le côté administratif et de gestion. Gérard Touraton recevait les parents, les services sociaux, les élus ou employés municipaux. Il devait assister à de nombreuses réunions au château, à la mairie de Montluçon et dans tout le département. Il s’occupait de toute l’intendance : commandes des denrées pour la cuisine, du linge de maison, du matériel pour les jardiniers et le factotum. Une fois par an, il collectait des lots pour les kermesses auprès des commerçants de la région. Il supervisait les travaux de restauration du château et de la construction d'un plateau de sport.

    Durant l'année scolaire 1980/1981, Monique Touraton remplace Gérard, parti en stage. A son retour, le directeur est diplômé et a obtenu l’agrément de maison d’enfants à caractère social (M.E.C.S), (en 1974, il avait obtenu l’agrément de maison d’enfants à caractère sanitaire). Puis par la suite, en accord avec les services sociaux, il loua trois appartements à l’O.P.H.L.M de Montluçon pour y loger une dizaine d’adolescents dans la cité de Bien Assis et acquerra une magnifique propriété pour y installer un foyer socio-éducatif. Il mit en place un échange d’enfants entre deux établissements (Suresnes, Paris 18ème).

    Pour le remercier des services rendus à l’Éducation Nationale, mais aussi pour son investissement auprès des enfants, l’Inspecteur d’académie lui décerna le titre de Chevalier des Palmes Académiques. Et, Monsieur Brun, Conseiller Général, lui remit au nom du Conseil Général, la médaille du département de l’Allier.

    Grâce à leur efficacité et à leur charisme, Monique et Gérard ont donné à cette école une vie culturelle et une vie relationnelle où l'égoïsme n'était pas de mise. Ils ont aidé les enfants à se construire en leur inculquant des valeurs essentielles : politesse, respect de l’autre, bonnes manières, règles d’hygiène…

    En juin 1993, Gérard prend sa retraite et le couple se retire à Montluçon, dans leur maison des bas de Buffon.

    Durant cette période, des anciens pensionnaires donnaient de leurs nouvelles ou évoquaient leurs souvenirs. Parfois, Monique reprenait du service pour prodiguer des cours de français et de mathématiques à « ses petits-enfants d'adoption ».

    Monique n'a malheureusement pas profité longtemps de sa retraite. Elle nous a quittés bien trop tôt en 2005. Nous regrettons qu’elle n’ait pas assisté à la création de notre association. Monique n’a également pas pu partager le succès du livre, sur l’histoire de la Bouchatte dont Gérard et elle ont été les plus grands acteurs.

    Au décès de son épouse, Gérard est resté très impliqué dans le tissu associatif de Montluçon, et de Chazemais. C'est grâce à lui que l'Amicale des Anciens de La Bouchatte fut créée le 12 novembre 2009. Il avait été nommé vice-président par les adhérents.
 
    L'une de ses plus belles fiertés fut de partager l’écriture et l'élaboration du livre de sa vie avec l'un de ces anciens élèves (paru le 19 décembre 2010).

A la demande des membres du bureau de l’amicale et confortés par les 80 adhérents, le 14 juillet 2013, on lui décerne la médaille de la Ville de Montluçon.

    Le Maire de l’époque disait :

"La ville de Montluçon, témoigne sa reconnaissance à un homme généreux, au grand cœur qui a su offrir un meilleur avenir à de nombreux enfants et qui s'est inscrit dans la tradition créée par l’Ancien Maire de Montluçon Marx Dormoy."

    En mai 2014, Gérard s’installe non loin de chez sa fille Catherine dans une maison de retraite. Il s'acclimate assez vite à son nouveau lieu de vie et participe à la vie de cet établissement. Il avait très régulièrement des visites (famille et amis).

    Durant son séjour, une fête pour ses 80 ans avait été organisée par l'amicale des Anciens de La Bouchatte le samedi 19 mars 2016 à Montluçon. Pour cet évènement, il était entouré de sa famille, des anciens élèves, du personnel de service, des voisins, des amis, et d'une partie du personnel de la maison de retraite Carpe Diem de Rocles. Une journée forte en émotion !
Nous avons pu mesurer à quel point toute l'équipe de cet établissement  était si présente et si attentive à la personne humaine, sachant à tout moment et avec beaucoup de patience, écouter, rassurer, accompagner, même dans les moments les plus difficiles.

    Nous n’oublierons jamais ce qu'ils ont apporté à notre « père de cœur », attention et disponibilité qui, j’en suis sûr, lui ont permis d'avoir une fin plus douce.

    Il était un homme généreux. Il aimait les autres. Il souhaitait offrir une chance au plus grand nombre et particulièrement à ceux issus des classes les plus modestes. « Notre Gérard » s’en est allé rejoindre sa belle, qui, depuis plus de 14 ans lui a énormément manqué.

     Ce couple a totalement changé le cours de ma vie, et de celles de nombreuses personnes. Je n’oublierai jamais nos longues discutions sur la famille, les enfants, l'actualité, la politique, la musique, le sport, les films, la photographie, les voyages, le théâtre et bien-sûr La Bouchatte...

    Merci à notre maître, notre directeur, notre ami, notre père de cœur pour ces leçons de vie.

    Nous n’oublierons pas sa voix et son sifflotement qui résonnaient dans les couloirs du château. Il continuera d'éclairer notre route !
   
    Gérard, vous resterez à tout jamais dans notre cœur.

    Merci à Catherine et Brigitte de m'avoir laissé partager tous ces moments privilégiés auprès de leur Papa que je prénommais « Papa Gérard ».

    Nous avons aussi une pensée pour Monique « Notre maman de cœur », pour Catherine, Brigitte, Marianne, Éric, Jacques et Frédéric. Les amicalistes et moi continuerons toujours de perpétuer leur mémoire.

    Dans ma vie d'enfant et d’adulte, j'ai rarement rencontré des personnes d'une telle générosité, de bienveillance et avec un cœur aussi gros.

                                                                            Michel Ravel               

Les gens que nous avons aimés ne seront plus jamais où ils étaient, mais ils sont partout où nous sommes.

                        Alexandre Dumas