LA JOURNEE MEURTRIERE DU 26 AOUT 1944

EN REGION MONTLUÇONNAISE.


 
   Les combats de la libération de Montluçon commencés le 20 août 1944 par l’entrée des F.F.I. dans la ville avaient permis de cloîtrer les forces occupantes dans la caserne Richemont. Arrivé le 24 août 1944 vers 15 h en vue de Quinssaines, un renfort allemand de 800 hommes environ (2e bataillon du SS Polizei Regiment 19) venant de Limoges, força les barrages F.F.I. le long de la route et parvint jusqu’à la caserne Richemont vers 17h après des combats. En protection autour de la caserne, ce bataillon permit la fuite de la garnison allemande de Montluçon en fin d’après midi par Couraud, Domérat, Saint-Victor, les gorges de Thizon, Verneix, La Croix de Fragne, Bizeneuille, Cosne d’Allier. L’évacuation de la caserne se termina vers 20 h30 ; Montluçon était libéré.

   Dans la nuit du 24 au 25 août, venant de Guéret, une forte colonne allemande composée de 2000 hommes environ dont 300 miliciens 1 aux ordres, pour la Milice, de Jean De VAUGELAS 2 se présenta à Lamaids vers 2 h du matin marchant lentement et précédée de fantassins le long des deux cotés de la route. Elle prend trois otages au bourg qu’elle place en tête de la colonne. Elle est arrêtée à la sortie de Lamaids sur l’ex RN 145, maintenant D745, par les groupes F.F.I. faisant barrage. Après des combats qui durèrent trois heures environ, des renforts F.F.I. furent envoyés en soutien de Montluçon et se positionnèrent à Quinssaines et alentours : Coursage, Saint-Martinien, le long de l’ex RN 145 pour former un barrage et protection. Vers 16 h, les allemands progressèrent sur la route et rencontrèrent le nouveau dispositif F.F.I..

Des F.F.I. se replièrent alors à l’ouest des abords de Quinssaines. Une tentative de débordement des soldats allemands sur le flanc droit des F.F.I. échoua. Des tirs de mortiers allemands furent tirés en direction du bourg mais ne fit aucune victime. Vers 19 h, de nouveaux renforts F.F.I. furent engagés sur le front droit, le clocher de l’église de Quinssaines était un excellent observatoire. Les échanges de coups de feu durèrent jusqu’à l’aube du samedi 26 août. L’opposition des F.F.I. fut telle que la colonne décida de prendre la direction d’Huriel depuis Lamaids. Les F.F.I. relevèrent ensuite, coté ennemi, cinq tombes sommaires (un milicien et quatre allemands) et seize véhicules abandonnés sur les bas-cotés de la route.
   
    Arrivée à Huriel vers 6 h, l’avant-garde de la colonne ennemie se positionne en protection en plusieurs points du bourg et notamment à hauteur du passage à niveau. Des tirs de mortier sont tirés sur la Toque dont un créneau fut atteint, des vols de fruits et légumes sont commis dans les jardins montrant son désir d’améliorer l’ordinaire. Puis un camion de la Résistance se présenta alors sur la route d’Archignat. Surpris par le dispositif allemand, il réussit à faire demi-tour et permit à ses occupants de s’enfuir. Un des résistants du groupe, Gaston WAGNER, caché dans une maison, revint sur les lieux voir la colonne au moment du passage des miliciens qui marchaient derrière les soldats allemands. Il fut alors capturé et emmené avec l’ennemi en direction de La Chapelaude. La voiture d’un médecin montluçonnais se présenta et essuya des coups de feu également, sans dommage pour ses occupants qui réussirent à fuir.

    Pour couvrir leur retraite, la colonne prit quelques otages : M. VELICITAT fut interrogé le long de sa maison puis gardé à vue près du passage à niveau, M. Louis BERGERAT qui allait chercher ses vaches, Mme MARANDE, institutrice, avec son bébé de trois mois et sa bonne, M. Antoine BEAUMONT dit « Le Quilloux ».

   

    Les allemands incendièrent alors les deux véhicules de maquisards après avoir retiré les armes du camion qu’ils jetèrent dans le puits de M. TROUBAT.

 

    Une ambulance arriva alors dans le bourg d’Huriel de la direction de Domérat, avec à son volant François René PASSION accompagné d’un brancardier. Près du terrain de sports, le véhicule essuya les tirs allemands et François René PASSION fut blessé. Capturé puis torturé, il fut achevé le long de la route.

Une stèle commémorative fut érigée sur le lieu du drame (voir en annexe sa fiche Mémorial Genweb).



    L’avant-garde de la colonne arriva à La Chapelaude. Les éclaireurs ennemis prirent position et placèrent un dispositif de protection aux différents  carrefours notamment en direction de la route de Montluçon, ex RN 143 maintenant D40, et sur la route de Courçais à proximité du chemin allant au cimetière avec fusils mitrailleurs et même deux canons anti-chars montrant leur volonté d’aller vers Chazemais / Audes. Une fusillade de protection empêcha toute circulation aux abords pendant le passage de la colonne.

 

    Vers 9 h, une voiture F.F.I. surgit route de Vaux venant de La Motte conduite par Gustave MICHEL accompagné de Mme DUBREUIL. A l’apparition de la voiture, les allemands firent feu obligeant le conducteur et sa passagère à se réfugier dans un fossé à l’arrière de la voiture où ils furent ensuite arrêtés. Ils furent questionnés, brutalisés, un officier annonça à Gustave MICHEL son exécution sur le champ car ils avaient trouvé des armes dans sa voiture. Malgré ses protestations, une rafale fut tirée de sa propre mitraillette et le coucha aussitôt. Mme DUBREUIL dut à ses supplications de vouloir montrer ses papiers d’identité restés chez elle et attestant sa qualité de femme de prisonnier de guerre, le fait de n’avoir pas subi le sort de son chauffeur 3. Une stèle fut érigée devant l’actuelle pharmacie rappelant l’exécution de Gustave MICHEL (voir en annexe sa fiche Mémorial Genweb). Gaston WAGNER capturé à Huriel et emmené avec la colonne fut fusillé près du carrefour des anciennes routes de Courçais et de Chazemais 4. Une stèle fut érigée route des Landes (voir en annexe sa fiche Mémorial Genweb).

 

    Comme précédemment, après avoir commis divers vols de bicyclettes, de victuailles et le fond de caisse du bureau des Postes, la colonne prit la direction de Chazemais. Le témoignage de M. Isidore MALOCHET, directeur de la colonie de vacances de La Bouchatte relate sa rencontre avec des éléments de la colonne alors qu’il partait à pied en direction de la boulangerie de Chazemais 5. Doublé en chemin par des cyclistes allemands, il arriva à la boulangerie DAGARD.

Des soldats demandèrent du pain et, en peu de temps, les rayons furent vides. Mme DAGARD, apeurée, se réfugia au fournil et y retrouva son mari tandis que M. MALOCHET dut faire face à la demande en boutique. Devant les rayons vides, les soldats allemands furent déçus, certains des miliciens le prirent violemment à partie. Entrant le dernier, un officier allemand dans un français correct demanda de l’eau à boire qu’il vida d’un trait. Quelques mots furent échangés sur la situation du moment et l’allemand le questionna sur la présence d’un maquis à Chazemais auquel M. MALOCHET répondit par la négative. Les miliciens suivaient avec femmes et enfants, l’un d’eux s’arrêta au Café PERROT et demanda une bière. Il s’épancha sur sa situation de devoir fuir avec les forces occupantes pour sauver sa peau ! Quelques coups de feu

furent tirés, du linge, des vêtements et des victuailles furent brûlés sur la place de l’Église en raison de l’immobilisation de quelques-uns de leurs véhicules. Dans l’après midi, Chazemais était libéré de la cohorte qui prit la route de Vallon-en-Sully par Vilvendret, non sans avoir été précédée de voitures en éclaireurs qui se dirigèrent en direction d'Épineuil, une autre celle de Saint-Vitte et deux autres vers Vallon-en-Sully où ces dernières arrivèrent vers 9 h, heure à laquelle le convoi principal était encore à La Chapelaude.


    Depuis le début de la libération de Montluçon, des soldats F.F.I. du groupe local PICAUDAT dit « Le Tailleux » surveillaient les mouvements de l’occupant autour de Vallon-en-Sully. A l’arrivée de la première voiture allemande, un maquisard nommé « Chopinard » lui fit de la main le signe « V » de la victoire. Le chauffeur allemand s’apercevant alors qu’il avait affaire au maquis tenta de le renverser et les autres occupants lui envoyèrent des rafales de mitraillettes qui ne le blessèrent pas. Au passage de la seconde voiture, alors qu’il était caché derrière un mur, il envoya une rafale de son arme qui endommagea l’arrière de celle-ci, puis une seconde qui tua le chauffeur et l’un des occupants et blessa gravement un capitaine du nom de Erich ISSHEN tandis que la voiture s’écrasa dans un jardin avoisinant. A l’arrivée de ses camarades F.F.I., le quatrième soldat allemand indemne se constitua prisonnier. Les corps des deux morts furent transportés près du marché couvert ainsi que le capitaine mourant.

A La Grave, la première voiture allemande prit la direction de Montluçon et fut arrêtée au lieu-dit « Le Cluzeau » par deux maquisards d’un autre groupe. Les trois occupants furent faits prisonniers alors que le quatrième, blessé, fut dirigé vers l’hôpital de Montluçon.

    La colonne traversa Vallon-en-Sully de midi à 16 h. Lorsqu’ils découvrirent les cadavres des trois soldats tués, ils firent des contrôles de papiers, prirent en otage Georges SUCHET. Le maire M. BARRAUD fut pressé de questions sur la présence de maquisards et d’armes dans la commune mais réussit à éviter les perquisitions et les représailles. Les miliciens quant à eux opéraient les pillages habituels comme dans les autres localités.

    Pendant que la colonne se dirigeait vers Chazemais, un détachement allemand se dirigea vers Magnette, vraisemblablement par Audes. M. Jacques CHARTIER avait 12 ans et habitait avec sa mère dans une maison près du canal. Son père était prisonnier de guerre, en ce jour samedi, sa mère et lui allèrent déjeuner chez ses grands-parents qui habitaient la maison quelques centaines de mètres plus bas dans le virage en direction de Reugny. Entre 12 h 30 et 13 h, la famille vit par la fenêtre de la maison des véhicules allemands venir sur la route de la gare de Magnette. Aussitôt, le grand-père dit à toute la famille de se dissimuler et de ne pas bouger. Peu après 13 h, une voiture de maquisards arriva de la route de Vaux. La voiture fût accueillie par un tir nourri d’armes automatiques de soldats allemands cachés dans les fossés et par un fusil mitrailleur (ou une mitrailleuse) mis en batterie dans l’entrée de la cave de la maison de M. CASSIER (à proximité de la stèle actuelle). La voiture des maquisards fut stoppée. Un maquisard fût tué dans la voiture, un second descendit de celle-ci, se réfugia derrière un muret et fut tué également, le troisième quitta la voiture, fut blessé et achevé ensuite près du tas de bois de M. CASSIER. Quant au quatrième, indemne, il put s’enfuir et traverser le Cher. Les quatre maquisards surpris n’eurent pas eu la possibilité de riposter car le combat fut bref. Les trois maquisards tués à Magnette furent : René Paul Auguste DUBREUIL, Marius Alexandre DUMAS, Gustave Louis GILLET (voir en annexe leur fiche Mémorial Genweb). ( DUBREUIL , DUMAS , GILLET )


    Un groupe de maquisards avait pris position au niveau du pont du Cher sur l’autre rive coté Reugny pour faire obstruction au détachement allemand. Le combat fit rage jusqu’à 16 h 30, heure à laquelle les allemands rebroussèrent leur chemin et s’en allèrent en direction de Nassigny puis de Vallon-en-Sully. Les maquisards survinrent alors pour constater la mort de leurs camarades. Beaucoup de munitions avaient été tirées coté allemands ; plusieurs centaines de douilles de munitions jonchaient le sol. Durant la présence des allemands, un soldat fit irruption dans la maison CHARTIER en disant : « Monate, monate ». Ne comprenant pas ces mots étrangers, la famille CHARTIER répondit : « Limonade ? » et le soldat acquiesça : « Ya, ya ». La grand-mère alla chercher à la cave une bouteille de limonade qui sembla contenter l’allemand. D’autre part, à la maison CASSIER, les officiers allemands se firent servir un repas 6.

Le lendemain, les honneurs aux défunts furent rendus au cimetière de Reugny par les F.F.I.. La stèle de Magnette érigée près de la maison CASSIER rappelle désormais ce drame (noter sur la stèle l’erreur dans les prénoms de DUBREUIL et DUMAS qui ont été intervertis). Stèle Magnette


Alain GODIGNON             


Source bibliographique :

     « Montluçon sous la botte allemande »
    de A. GOURBEIX et L. MICHEAU (1945


1 > Parti de Limoges, le convoi composé de plus de 300 miliciens accompagnés de 200 femmes, de 150 enfants et de 14 blessés quitta Limoges le 16 août 1944 et arriva à Guéret le 22 août où ils stationnèrent Place Bonnyaud. Ce ne sera que le 24 août que la colonne reprendra sa marche en direction de Montluçon.

2 > Jean De VAUGELAS avait été nommé directeur du maintien de l'ordre pour la région de Limoges le 8 avril 1944. Il avait donc autorité sur la Milice, la Garde Mobile, les GMR et la gendarmerie. Il est nommé le 10 août 1944 par Joseph DARNAND pour assurer l'évacuation des collaborateurs limousins et de leurs familles.

3 > Procès verbal de la gendarmerie d’Huriel du 19/11/1944 sur les atrocités commises par les troupes d’occupation à La Chapelaude.

4 > Pour approfondir, on lira avec intérêt la revue de l’Association de Sauvegarde du Patrimoine de La Chapelaude qui a consacré le numéro de l’année 2014 à cet épisode avec témoignages et documents.

5 > Source : http://pays-huriel.planet-allier.com/Chazemais/Passage%20colonne%20allemande.htm

6 > Témoignage de M. Jacques CHARTIER

ANNEXE

Fiche Mémorial Genweb


-> François René PASSION

-> Gustave MICHEL

-> Gaston WAGNER
-> René Paul Auguste DUBREUIL

-> Marius Alexandre DUMAS

-> Gustave Louis GILLET


Source : http://www.memorialgenweb.org